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sarbacane

Vacances chez Tête de Fesses

Publié le par Za

Vacances chez Tête de Fesses

Vous aimez les romans d'amour ?
Moi, d'habitude, non.
Trop de sucre et de guimauve répandus.
Mais là, on parle vraiment d'amour. D'amour inconditionnel.
Par un cruel hasard de circonstance, voici notre chère Gurty privée de son Gaspard. Momentanément, heureusement, mais quand même. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, son amie Fleur est elle aussi séparée de Pépé Narbier. Momentanément, heureusement, mais quand même. Et comme jamais deux sans trois, voilà que ce sont les Caboufigues qui vont prendre soin d'elles. Momentanément, heureusement, mais quand même.
Si tous ces noms ne vous disent rien, c'est que vous n'avez jamais lu le Journal de Gurty et je ne peux que vous plaindre. Mais je continue pour les autres - puisque ceux qui n'ont jamais lu le Journal de Gurty viennent de mettre leur manteau pour se ruer chez leur libraire indépendant afin de réparer cette bévue en achetant les cinq tomes d'un coup.
Une semaine chez les Caboufigues, c'est une semaine à partager la maison du meilleur ennemi des deux petites chiennes : un chat.

En fait, son vrai nom, c'est Jean-Jacques, mais moi je l'appelle Tête de Fesses car je trouve qu'il a une tête qui ressemble à des fesses.

Une semaine de "vacances" à subir l'atroce caractère de cette vilaine bestiole, sans parler des enfants Caboufigues, parfaitement raccords avec leur animal de compagnie.
La belle nature de Gurty et le sens de l'humour de Bertrand Santini font de ce cauchemar une aventure qu'on suit la truffe à l'air et les oreilles aux aguets, la rigolade en embuscade. Comme toujours serais-je tentée d'ajouter. Mais pas tout à fait. 
Tout d'abord parce que Tête de Fesse, sous ses dehors de monstre domestique, a du style. Il tient lui aussi un journal, dont nous pouvons lire quelques extraits.

Depuis que ces crasseuses ont colonisé mon empire, je vis avec la nausée pour seule compagne.
Tout mon être intérieur est dérangé et j'en tiens pour preuve que, hier soir, à l'heure vespérale où le monde s'abandonne aux bras du crépuscule languissant, moi, j'ai eu la diarrhée.

Le choix juste du mot, le balancement de la phrase... Pour un chat, ce n'est quand même pas mal. Le journal de Tête de Fesses nous montre un personnage complexe, un peu nuance n'ayant jamais fait de mal à personne.
Et l'amour, alors ? Où est-il, me demanderiez-vous, si je vous en laissais placer une.
Toute à l'instant présent, Gurty souffre de l'absence de son humain.

Ici et là planait encore l'odeur de mon Gaspard.
En reniflant sa pantoufle, je me suis mise à pleurer. Vivre sans lui, c'est comme vivre à moitié. Mon humain est tellement tout pour moi !
Pour lui aussi, je suis plein de personnes à la fois. Souvent, je suis son bébé comme quand par exemple il me cuisine un plat ou bien ramasse mon caca dans la rue. Mais parfois, quand il est triste, je vais me blottir contre lui pour lécher ses larmes; et dans ces moments-là, c'est moi sa maman.
D'autres fois, on s'assoit sur les quais de la Seine pour regarder passer la vie. Devant le spectacle des pigeons et des gens, on partage un fromage de chèvre comme les meilleurs amis du monde.
L'ennui quand on aime quelqu'un qui est tout pour soi, c'est que lorsqu'on le perd, c'est toute une famille qui disparait d'un coup.

Alors, c'est pas la quintessence de l'amour, ça ?
L'élégance de Bertrand Santini, c'est de ne pas s’appesantir sur les instants de tristesse, d'en sortir par une pirouette, un éclat de rire. Et pour rigoler, on peut compter sur un de mes personnages préférés, dont le défaut d'élocution fait ma joie : Ftéphanie la hériffonne. Ou l'horripilant écureuil qui ne fait plus hi hi mais hallelujah - dans un chapitre que je qualifierais de monumental, tant ses répercutions philosophiques sont grandes. Sans rire.

Vacances chez Tête de FessesVacances chez Tête de Fesses

Un cinquième opus parfaitement dans le ton des précédents, donc, sans aucune baisse de régime ni de perte d'inspiration ! Vivement la fuite, elle fera fans doute fenfafionnelle !

Le journal de Gurty - Vacances chez Tête de Fesses
Bertrand Santini
Sarbacane - collection Pépix, novembre 2018

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les riches heures de Jacominus Gainsborough

Publié le par Za

les riches heures de Jacominus Gainsborough

J'ai toujours un moment d'arrêt avant d'ouvrir un album de Rébecca Dautremer. Comme une timidité mêlée d'avant-joie parce que je sais que ça va être bien, que je vais y revenir, y passer du temps. D'ailleurs, je ne l'ouvre pas si je n'ai pas un minimum de temps devant moi. C'est bien le moins. Et puis, il ne faut pas oublier le temps nécessaire à l'après lecture, le moment du "pfiouuuuuuu", "la vache !", "eh ben dis-donc !", le temps de se remettre...
Dans le cas des Très riches heures de Jacominus Gainsborough, on aura aussi besoin d'y retourner pour fouiller, scruter le détail, humer l'ambiance, oublier l'histoire pour se promener dans le livre comme dans une exposition, puis retourner à l'histoire, menue et universelle.
Dans l'introduction de cet album, Rébecca Dautremer s'adresse à son lecteur, petit ou grand. Elle rassure le lecteur adulte : oui, ce livre d'images est fait pour lui. Et c'est bien l'art de cette immense dessinatrice que de réunir les générations, de ravir les petits, d'émerveiller les grands.

Bien sûr, comme à chacun de nous, une place était destinée à Jacominus dans ce monde.
Il lui fallut du temps pour en être sûr.
Et encore davantage pour la trouver.

les riches heures de Jacominus Gainsborough

Pour la première fois, Rébecca Dautremer raconte l'histoire d'un animal en l'humanisant, dans un monde d'animaux sur leurs deux pattes, vêtu d'habits chatoyants, dans un style de début de XXème siècle. Jacominus naît entouré, très entouré même, famille, amis, présents sur les somptueuses doubles pages qui donnent une profondeur inouïe à ce récit de vie. Le mignon lapin débute dans la vie par un accident, qui le laisse marqué mais ne l'empêchera pas de mener une vie à sa mesure. Rien de grandiose, mais un destin troublé par son époque.

les riches heures de Jacominus Gainsborough

Le rythme du récit est donné par l'organisation de l'album : l'alternance de pages de texte illustrées à gauche par un portrait de Jacominus qui grandit, vieillit, deux sections présentées comme des pêle-mêle, puis de doubles pages accompagnées d'un texte bref calé au-dessous. Et ce sont bien sûr ces pages-là qui coupent le souffle, qui ralentissent considérablement la lecture - mais pour la bonne cause. Tellement qu'on se promet de relire le texte depuis le début. On peut jouer au jeu des références : Brueghel, Bosch... Mais c'est la maîtrise technique qui époustoufle, l'intention derrière la virtuosité. Jamais de mièvrerie mais de la douceur. L'amour, la nostalgie, le courage, la tristesse, la beauté de la nature, tout est ici parfaitement traduit.
Les très riches heures de Jacominus Gainsborough est une nouvelle pierre sur le chemin des lecteurs fidèles de Rébecca Dautremer ou une parfaite entrée en matière pour les autres. Le Cabas lui décerne le statut d'ALBOOM! - un truc qui n'arrive pas tout les quatre matins.

les riches heures de Jacominus Gainsborough

Les très riches heures de Jacominus Gainborough
Rébecca Dautremer
Sarbacane, 2018

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Printemps de chien

Publié le par Za

Et de 4 !

Printemps de chien

Ce matin, pas question de perdre une minute de printemps !
Mon Gaspard ronflerait sans doute jusqu'à midi; mais moi, à midi, j'avais bien l'intention d'être déjà toute sale, avec un tas de dégâts à raconter.

Viens, lecteur, que je te parle un peu de moi, mais pas longtemps.
Je n'ai jamais vécu en compagnie d'un chien - ni d'un chat, dieu me garde !
Donc, je n'y connaissais strictement rien. L'animal domestique m'était une terre inconnue, un sujet obscur et fort éloigné.
Jusqu'à ce que je rencontre Gurty et découvre sa vie trépidante. Quelle plume, ce chien ! Un texte au style vivant et alerte qui se lit tout seul, le plus souvent en pouffant, voire en rigolant carrément. Parce qu'au quatrième tome, on pouvait s'inquiéter un brin. Peut-on tenir le rythme, renouveler les facéties, conserver l'esprit à la fois naïf et frais qui caractérise la série depuis le début ? La réponse est simple, lecteur chéri qui est déjà en route vers la librairie indépendante préférée, et c'est : MAIS BIEN SÛR, VOYONS !

Printemps de chien

Parce que la nature et les vacances ont ceci de commun qu'elles se renouvellent sans cesse et offrent chaque jour de nouveaux bonheurs. Dans ce nouvel opus, lecteur que j'aime et qui fait la queue à la caisse pour s'acquitter des modiques 9.90€ que lui coûteront ce livre, on retrouve Fleur (obligé), Tête de Fesses (incontournable), l'écureuil qui fait hihi (pfff) et les humains épatants que sont Gaspard et Pépé Narbier. Les Caboufigues sont aussi de la partie - mention spéciale à leurs charmants enfants, Donovan et Cassidy. Car oui, on peut s'appeler Donovan Caboufigues. Pour de bon.
On finit par avoir l'impression de retrouver, nous aussi, de vieux amis, un univers maintenant familier. Et ne me dis pas, lecteur qui sort maintenant de la librairie avec son petit sac en papier à la main, que tu ne jubiles pas d'avance, que tu ne presses pas un peu le pas pour rentrer vite et commencer ta lecture ! Mais cet univers familier est fragile et, entre deux rigolades, cette fois-ci, Gurty et ses amis devront défendre un arbre particulièrement hospitalier.

Printemps de chien

C'est nul, les hérissons. Ils sont comme la moutarde : il faut jamais les manger, sinon ça pique.

Et les petits nouveaux alors ? Sans vouloir spoiler divulgâcher, je dévoilerais juste un coup de cœur absolu pour Ftéphanie la hérissonne ! Elle est abfolument fenfafionnelle ! Le genre de personnage, pardon, de perfonnage que l'on retrouvera bientôt, c'est sûr ! Parce que, lecteur de mon cœur qui a terminé sa lecture le temps que j'écrive cet article - oui, je suis lente- tu as déjà remarqué le rabat de quatrième de couverture mentionnant l'existence future d'un cinquième tome intitulé Vacances chez Tête de Fesses !
Pour revenir à mon préambule, je me disais que ces Journaux de Gurty ne sont pas qu'une enfilade de rigolades, même si je m'amuse bien chaque fois, et si je constate qu'on s'amuse autour de moi, de 8 à 70 ans. Cette Provence que j'aime tant et que je partage avec Bertrand Santini (on a, par exemple, fréquenté les mêmes cinémas, ce qui n'est pas rien), avec ses platanes et ses cyprès, sert de toile de fond à une belle idée. Moi qui étais nulle en bestioles, je le répète, à force de les fréquenter, ces deux-là, Gaspard et Gurty, de papier ou de chair et de poils, l'idée de la bestiole a fait son chemin. Et si les enfants sortent de cette lecture avec l'idée que c'est quand même mieux d'être gentil avec les animaux et les arbres, notre Gurty pourra être sacrément fière.
 

Le journal de Gurty
Printemps de chien
Bertrand Santini
Sarbacane, collection Pépix
avril 2018

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le journal de Gurty - Marrons à gogo

Publié le par Za

le journal de Gurty - Marrons à gogo

A chaque saison ses vacances. Celles d'automne ne sont pas les moindres, et je peux vous assurer que je m'y connais en vacances. Je l'ai toujours dit : l'automne, y a pas mieux comme saison. Et ce n'est pas parce que je suis née au mois d'octobre, non. L'automne a quelque chose d'indéfinissable, de délicieux. Je ne savais trop comment définir ce goût de l'automne lorsque je suis tombée sur la quatrième de couverture de Marrons à gogo.
J'avais ma réponse.

En automne, la nature sent des fesses. Tout pourrit, tout croupit, tout moisit. N'est-ce pas fabuleux ?

Eh bien si, c'est fabuleux. En automne, on peut s'enfouir dans des tas de feuilles perclus d'odeurs délicieuses, on peut goûter le vent, le soleil se couche plus tôt, ce qui fait davantage de nuit et d'occasions de rêver. L'automne est la saison propice à l'aventure, à la magie. Puisqu'on vous dit que c'est fabuleux ! Et ça l'est encore plus à hauteur de chien, vous pouvez faire confiance à Gurty.

le journal de Gurty - Marrons à gogo

Comme toujours mais mieux, Bertrand Santini mêle candeur et rigolade, gravité, poilade, et suspens. Sans parler de l'utilisation réjouissante du mot faribole. La marque de fabrique des journaux de Gurty demeure le décalage entre la vision que nous pouvons avoir du monde, des châtaignes, des cerfs-volants et des tas de feuilles et le point de vue de la petite chienne.

Chaque automne, mon Gaspard et moi, on se régale avec un jeu super.
Lui, il s'amuse à faire un gros tas avec les feuilles éparpillées devant la maison, et moi, dès qu'il a fini, je saute dans le tas pour tout disperser.
Alors il s'amuse à tout recommencer depuis le début en criant, alors je ressaute dans le tas pour tout disperser, alors il s'amuse à tout recommencer depuis le début en criant, alors je ressaute dans le tas pour tout disperser.
Je vous avais bien dit que c'était super !

le journal de Gurty - Marrons à gogo

La galerie de personnages qui fait tout le sel des deux précédents tomes est encore là, les amis fidèles, les meilleurs et les pires. L'indétrônable Fleur, le répugnant - mais indispensable - Tête de Fesses sans oublier l'écureuil. Dans le premier tome, il faisait hi hi et il agaçait. Dans le deuxième tome, il faisait bla bla et il agaçait. Aujourd'hui, il fait houuuuuuu et il agace, c'est plus fort que lui. Il faudrait un jour y revenir sérieusement et consacrer une chronique complète à ce personnage plus complexe qu'il n'y parait, retors, bougrement malin. Mais agaçant. Si l'amitié est toujours au centre du propos, les relations entre espèces prennent ici un relief nouveau, exempt de tout spécisme. Je ne saurais trop vous conseiller le récit de la création de la Terre par les chats...

- Voyez-vous, au commencement, la Terre était uniquement peuplée de chats et de souris, a poursuivi Tête de Fesses. Ah, mes amies ! Quel paradis c'était ! L'harmonie et la beauté régnaient sur cette planète unique au monde, diamant solitaire flottant au milieu du cosmos. Dans cet Eden, chats et souris s'entendaient comme lardons en foire. Nous nous amusions tout le jour avant de nous quitter le soir - les chats, le coeur content, et les souris, les tripes à l'air...

Et pour savoir comment l'humain intervient dans ce tableau idyllique, rendez-vous à la page 106. L'humain, justement, dont Gurty découvre qu'il ne lui veut pas que du bien, et pour des raisons parfaitement imbéciles qui plus est. Qui est l'animal de l'autre... Je pense sincèrement que ce troisième tome du Journal de Gurty pourra vous faire avancer dans cette réflexion. En disant vous, je me demande d'ailleurs à qui je m'adresse... Et je me sens obligée de rappeler que les trois volumes du Journal de Gurty s'adressent à tous, au lecteur adulte qui sait qu'un bon livre fait rigoler et réfléchir (et rigoler), et au minuscule qui sait parfaitement que les livres sont des amis indéfectibles. Et rigolos.

Le journal de Gurty
Marrons à gogo
Bertrand Santini
Sarbacane - Collection Pépix

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Parée pour l'hiver

Publié le par Za

Moi, j'adore être en vie, comme ça, on peut de balader, faire des bises et manger des plats.

Ça s'est un peu battu à la maison.
Fiston - Je le lis en premier !
Za - Tu rigoles ? Je chronique donc je lis.
Fiston - Mais moi, je lis plus vite !
Mamie - Et moi, je repars dans trois jours. Je DOIS le lire avant vous.
Parce que, chez nous, Gurty transcende les générations. Lecture jeunesse, lecture vieillesse, même combat.

Parée pour l'hiver

Ce journal commence le 4 décembre, dont j'avais toujours crû, naïve que je suis, que c'était le jour de la Sainte-Barbe, mais que nenni puisque, visiblement, c'est le jour de Sainte Clapsy - si vous connaissez des Clapsy, il faudra y penser. Le 4 décembre donc, le plein hiver, la saison de la moufle et de l'écharpe, pire, de la neige, tout ce que j'aime.
Pour Gurty, ce mois béni commence à Paris, la grande ville où elle coule des jours heureux avec son Gaspard. Enfin heureux... Tout serait parfait, s'il n'y avait les fiancées. Les affreuses, les vilaines, celles qui font tout pour pourrir la merveilleuse vie de Gurty et de son compagnon à deux pattes. Il y a Léa, Anouchka, Justine... et la pire : Myrtille.

Il est pourtant tout à fait normal que mon Gaspard m'aime plus que Myrtille, vu que je suis pure et innocente, alors que Myrtille, elle est machiavélique et pourrie.

Si d'aventure vous hésitiez à sortir les modestes - voire dérisoires, 9.90€ que coûte ce livre, sachez qu'il est indispensable. Car Le journal de Gurty ringardise en 155 pages tout ce qu'on a pu écrire sur le sentiment amoureux. Roland Barthes, Pétrarque, Goethe, Aragon, Fitzgerald peuvent aller se rhabiller.

- Être amoureux, il parait que ça fait des guilis dans le ventre comme quand on mange de la mortadelle.
- On voit bien que tu n'y connais rien en amour ! j'ai rétorqué. L'amour, c'est comme le chocolat ou des Knackis. Au moment de les manger, on est content, mais ensuite, on a mal au cœur, le ventre qui gargouille, et conclusion générale : on se retrouve tout seul dans un coin avec la colique.

L'amour des fiancées, l'amitié, mais aussi cette sorte de sentiment bizarre et exclusif qui unit parents / progéniture et inversement, tout y passe. Qu'on soit humain, chien, chat, écureuil ou souris, c'est pareil. Le spécisme n'a pas sa place ici. Ce texte est une somme, croyez-moi sur parole.

L'histoire de Fleur atteste néanmoins qu'il est important de réussir son enfance, sinon, après, la traversée de la vie devient tout une affaire.
Moi, mon enfance, je l'ai réussie du premier coup grâce à l'amour de mon Gaspard et c'est pour cela qu'aujourd'hui, je suis belle, gentille, décontractée, et que mon poil brille en toute saison.

Pour les lecteurs qui auraient déjà lu le premier opus du Journal de Gurty, cette chroniquounette ne sert strictement à rien puisqu'ils sont déjà en train de faire la queue devant la porte de leur librairie indépendante préférée, légèrement fébriles, sautillant sur place, à moitié d'excitation, à moitié de froid. Pour ceux-là donc, qu'ils soient rassurés, Gurty et Gaspard vont passer leurs vacances de Noël en Provence et y retrouver Fleur, la merveilleuse Fleur, tout comme l'impayable Tête de Fesse et l'écureuil qui fait hi hi - le rôle de ce dernier s'étant considérablement étoffé...

Parée pour l'hiver

Et puis il y a l'hiver. L'atroce hiver plein de neige. Parce que, pour ceux qui l'ignoreraient, j'ose à peine l'écrire, il peut neiger en Provence. Pas souvent, mais ça peut.

Ah, se rouler dans la neige ! L'un des plus grands bonheurs, pour un chien... C'est presque aussi chouette que de se rouler dans le caca, sauf que la neige, c'est salissant.

Oui, la neige, ça craint. Et c'est là que le talent de Bertrand Santini éclate. Tenez-vous bien, il parvient à rendre poétique et doux ce moment fugace mais pénible de l'hiver. Gurty et Fleur redeviennent alors les deux petites louves qu'elles n'ont cessé d'être.

Parée pour l'hiver

Alors oui, on se marre franchement à la lecture de ce journal. A cet égard, je vous laisse découvrir le chapitre du 16 décembre, tout entier consacré à une bataille d'acronymes très chics.  On se marre, mais pas que. La tendresse est toujours là, en embuscade, discrète et pas dégoulinante. Ce qui prouve, s'il en était besoin, qu'on peut se rouler dans le caca tout en gardant une grande distinction des sentiments.

Allez zou, c'est demain !

 

Le journal de Gurty - Parée pour l'hiver
Bertrand Santini
éditions Sarbacane - collection Pépix
novembre 2016

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le journal de Gurty

Publié le par Za

Des trains, il y en a plein. Au moins quatre. Il y en a un pour Paris, un pour la Provence et puis un autre pour l'Amérique, mais celui-là, il vole.

le journal de Gurty

C'est justement du train pour la Provence que débarquent Gurty et son maître, sur le quai de la gare d'Aix-en-Provence, pour de longues vacances, du 1er au 42 juillet. D'ailleurs, une petite invraisemblance pour commencer, qui peut bien bénéficier de vacances aussi longues ? (à part moi, bien sûr)

Mais en attendant, je suis allée me coucher. La sieste dans le train m'avait épuisée et il fallait que je sois en forme pour demain, car j'aurais plein de vacances à faire.

Les vacances donc, à hauteur de Gurty, une très épatante bestiole. On savait que Bertrand Santini écrivait carrément bien - et ce texte le confirme une fois pour toutes. Et voilà que, lassé sans doute d'avoir à partager les projecteurs des dédicaces et l'admiration des admirateurs, il a illustré ce roman lui-même. Bien lui en a pris ! Qui d'autre aurait pu dessiner Gurty sans la trahir ? Qui d'autre aurait pu rendre si justement ce regard malin, cette truffe frémissante, ce poil enjoué, ce caractère ébourriffé ? (ou l'inverse) Qui d'autre aurait pu brosser cet hilarant bestiaire ?

le chat Tête de Fesses / l'écureuil qui fait hi hi / Fleur (c'est elle que je préfère)
le chat Tête de Fesses / l'écureuil qui fait hi hi / Fleur (c'est elle que je préfère)

le chat Tête de Fesses / l'écureuil qui fait hi hi / Fleur (c'est elle que je préfère)

Les vacances, c'est l'aventure, le grand air, les retrouvailles avec les amis, la rigolade. (et je m'y connais en vacances, croyez-moi) Cependant, je me permettrai ici une remarque. Quand je lis, je n'aime pas rire - parce que je lis le plus souvent allongée et que ça secoue le livre.
C'est pénible.
Et ça m'est arrivé souvent en lisant Le journal de Gurty.

A ma surprise générale, Gaspard m'a traité de cochonne et il m'a dit que c'était nul d'avoir tué "un animal comme moi".
Mais d'abord, c'est pas moi qui l'ai tué, le rat. Il s'ennuyait tout seul dans la cuisine, alors je l'ai mordu pour rigoler et ensuite, il est mort de vieillesse, peuchère. Et puis, le rat n'est pas "un animal comme moi". Lui, il est moche et noir, alors que moi je suis belle et en couleur.

Heureusement, ce texte est paré d'autres vertus que la pure rigolade. Car les livres, tout le monde le sait, c'est surtout fait pour faire réfléchir, notamment lorsqu'on s'adresse à des enfants, personnes au cerveau maléable, puisqu'en cours d'élaboration. Et j'en connais un rayon en cerveaux enfantins (comme dirait le Yark), vu que je passe une grande partie de mon temps à essayer d'en remplir une vingtaine (de cervelles). (le reste du temps, je suis en congés)
Grâce soit rendue à l'auteur de ce livre, ces vacances trépidantes et joyeuses sont également pour la candide Gurty l'occasion de se poser quelques questions essentielles, pour ne pas dire existentielles. A cet égard, nous lirons avec attention le chapitre en date du 32 juillet, intitulé Les oiseaux, une petite merveille du genre...

A ce sujet, des légendes prétendent que lorsqu'on meurt, on va au ciel. Si c'était vrai, ça ne changerait pas grand chose pour les oiseaux, de toute façon. Mais je trouve que ce ne serait quand même pas une raison pour les tuer de leur vivant.
Bizarre cette légende... Si elle était vraie, on ne saurait jamais si les oiseaux qu'on voit passer dans le ciel sont des vivants ou bien des morts.

J'arrive au terme de ce billet en me posant deux questions.
La première est importante, la seconde est cruciale.
La première donc : me suis-je bien fait comprendre ? Allez-vous, une fois ma chronique lue, vous ruer chez votre libraire indépendant le plus proche afin d'acheter ce roman échevelé et désopilant, qui vous tartinera de tendresse, à défaut de le faire de caca ? (car le caca est ici élevé au rang des beaux-arts, s'il en fallait un dixième)
La seconde me hante depuis plusieurs jours. Dans le rabat de la première de couverture, on peut lire ces quelques mots : Sous le pseudonyme de Bertrand Santini, Gurty a écrit et illustré ce livre elle-même. Cette phrase m'a fait frémir. Mais alors, lecteur chéri, si Gurty, toute mignonne et poilue qu'elle est, se révèle être la plume de Bertrand Santini, qui, je te le demande, lecteur égaré, alors qui, juste ciel, a écrit le Yark ?

le journal de Gurty

Le journal de Gurty
(Vacances en Provence)
Bertrand Santini
(à moins que ce ne soit la per
sonne à côté)
Sarbacane
collection Pépix
mai 2015 (c'est à dire tout de suite)

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Lotte

Publié le par Za

Allez,

hop,

zou,

c'est comme ça,

Lotte

c'est le résultat d'une explosion occulaire,

d'un enthousiasme visuel,

appelez ça comme vous voulez.

Lotte

Ce sourire, ce visage ! Si la couverture vous interpelle, la suite vous enchantera. Je suis emballée, ça se sent ? Cet album, c'est du mouvement, de la lumière, de la joie.

Je voudrais commencer petit, par un détail, une merveille de cabane...

Lotte

Lotte vit dans la jungle avec ses parents. Une vie libre, sauvage presque, au plus près de la nature, immergée dedans au point de nouer des amitiés confiantes avec des animaux magnifiques quoique vaguement inquiétants parfois. C'est une enfance de rêve qui ouvre ce livre, à courir pieds nus, danser, voler presque. Et l'image suit l'enthousiasme contagieux de Lotte, au point de couper le souffle. L'évocation de Stravinsky et de son oiseau de feu n'est pas superflue...

Lotte

Un style graphique unique, cette Audrey Spiry ! Une manière de se jouer des couleurs, de les empoigner pour les balancer là avec un art consommé du fouillis qui en jette. Il faut dire que la jungle, c'est plutôt inspirant. Imaginez un album sobre, minimaliste, qui se passerait dans la jungle... On est d'accord que ça ne voudrait rien dire.

Lotte

Le texte de Sandrine Bonini, à la première personne, donne voix à la fille pirate, exprime ses sentiments intransigeants et purs. Pas de concessions. Elles est seule enfant de son royaume.

Moi, depuis que je suis petite, je m'entraine à vivre et à parler avec la forêt tout entière ! Je connais son immensité et ses moindres recoins dans lesquels je joue à me perdre.

Au point de refuser la compagnie d'autres humains et d'affronter la solitude et le danger. Lotte est de la famille d'Hukleberry Finn, de Fifi Brindacier, de ces enfants qui n'ont aucun besoin d'adulte pour vivre, dont la liberté est le bien le plus précieux.

Lotte fille pirate est un album fracassant, déboussolant !

Lotte fille pirate

Sandrine Bonini & Audrey Spiry

Sarbacane, mai 2014

 

Il n'y a pas que moi qui aime Lotte, elle fait aussi craquer la crème de la crème de la librairie : Jean de la Soupe de l'espace, Soizic de la librairie Pages d'encre à Amiens (une merveille de librairie) et Gaëlle de Marseille !

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mon papa pirate

Publié le par Za

mon papa pirate

Mon papa pirate est une histoire d'amour filial, d'admiration d'un fils pour son père. Une histoire d'histoire aussi. Celle que raconte le père à l'enfant pour lui alléger les noirceurs de la vie. Le père pirate partage ses aventures à chacun des ses retours. Il s'attarde surtout à décrire son équipage. Et quel équipage ! Des durs, des vrais, des tatoués, aux noms évocateurs...

Il y avait : Le Tatoué, qui était en effet couvert de tatouages et ne disait jamais un mot.

Centime, le perroquet qui parlait pour lui.

Un dénommé Cigarillo, bon cuisinier, qui racontait des histoires de fantômes à vous donner la chair de poule.

Le Barbu qui, d'après la légende, portait déjà la barbe à sa naissance.

Riquiqui, qui avait la taille d'un enfant mais n'avait peur de rien...

mon papa pirate

Tout commence dont par un récit de piraterie dans la plus pure veine du genre. Et puis il y a l'inattendu, l'accident. Il faut rejoindre le père blessé et la mère ne prend pas le chemin des Caraïbes. C'est un train qui traverse l'Europe, depuis l'Italie jusqu'en Belgique. Et c'est là que le livre gagne toute son originalité, en jouant sur la fibre sociale, humaine.

mon papa pirate

On bascule alors dans une belle émotion où l'enfant trahi tranforme la déception qui pourrait être la sienne en un autre regard, une autre admiration. Par la même occasion, il cesse d'être tout à fait un enfant. Les farouches pirates ne le sont pas et qu'importe. Ils ont une autre fierté, celle des mineurs. La fin de l'histoire m'a tiré des larmes. Je vous la laisse, elle est belle et précieuse.

mon papa pirate

Vous l'aurez compris, le texte de Davide Cali est émouvant, extrêmement bien écrit, sans concessions. Il rend à ce père toute sa dignité, la noblesse de son métier. Parce que mineur n'était pas, n'est pas un métier comme les autres. Ceux qui l'exerçaient en tiraient une fierté particulière. Les mineurs, les métallos, autant de métiers très durs, ingrats auxquels les hommes sont farouchement attachés, autant qu'à leurs origines, qu'à leurs noms de famille aux consonnances étrangères - italiennes, polonaises, algériennes.

J'ai une admiration particulière pour le travail de Maurizio Quarello et c'est sur son nom que j'ai emprunté cet album. Son trait rend ici des atmosphères justes, le rêve de piraterie, le quotidien prosaïque, le ciel, le regards de ces hommes dignes. La palette des couleurs bascule brutalement des rouges flamboyants aux gris et bleus de la pluie et du carreau de la mine.

Une réussite absolue, littérairement, graphiquement, émotionellement.

 

Mon papa pirate

Davide Cali & Maurizio A.C. Quarello

Sarbacane, octobre 2013

Orriecho acerbo, pour l'édition originale

Voir ici l'avis de Sophie-Hérisson

 

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mr howard

Publié le par Za

 

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  Philippe-Henri Turin, Françoise Jay, Julie Ricossé

 

Howard a presque dix ans. 

 

Dix ans passés derrière les grilles de la demeure familiale, avec pour horizon un jardin peuplé de singes inquiétants - lubie de son père. Chaque jour, une foule d'adultes tissent autour de lui une solitude douillette et étouffante. Howard vit dans une maison de recoins et d'ombres, de tentures vertigineuses propices à toutes les aventures, d'arbres qui dressent des remparts. Au-delà des arbres, au-delà des grilles, il y a la ville, les usines du père crachant l'acier liquide, laissant s'échapper le brouillard vengeur.

 

Et Howard rêve. Il rêve de combats héroïques dans les ruelles suantes, de tournois à mort contre le Prince Brouillard, de créatures grouillantes et meurtrières nées du souffle du dragon, de forges cauchemardesques. Mais peut-on encore parler d'illusion lorsqu'au matin les draps sont tachés de sang...

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Howard a une nurse, Nutty, une fée étrange, un visage d'ange qui cache des chevaliers nocturnes, des dragons redoutables. Howard l'aime de toute la démesure de son âme d'enfant, inconscient. Tous les enfants ne sont pas innocents. Howard l'est. Une âme pure et délaissée, poussée à tuer les rêves, à tuer les vivants.

 

Les dessins de Julie Ricossé tissent la réalité avec le cauchemar, serrés, indissociables, comme dans l'esprit d'Howard. Ses personnages ont des regards profonds, affolés, ambigus. Et quel monde ! Noir, grouillant, inquiétant, vu à hauteur d'enfant, entre les murailles d'un château fantasmatique et les forges de l'enfer.

 

Le scénario, signé Françoise Jay et Philippe-Henri Turin, est haletant, peuplé de personnages hauts en couleurs - une mention particulière pour les scènes de pub ! Ce pauvre Howard, devenu un homme, raconte son histoire dans un bar des mers de Chine, échoué là après quatre ans de tranchées, dit-il. Et on cherche la sortie comme dans un train fantôme, jusqu'aux dernières pages et au dénouement, provisoire - j'espère.

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